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Capitaine courageux, Vallée du Fournel, Hautes-Alpes, France
07/02/2024 12:00 - Effondrement - Spontané
Je vais essayer de vous raconter le plus factuellement possible un incident qui m’est arrivé au cours de la semaine du stage Aspi 4. Afin de comprendre l’ensemble du déroulement, je rajouterai mes ressentis, sur le moment et a posteriori, car il est difficile, pour moi, d’analyser ça sans prendre en compte ces éléments. De retour d’une semaine en Vanoise avec les Aspi 2, le WE, je contacte les collègues guides qui grimpent en glace dans le briançonnais pour avoir une idée des conditions. Les retours sont plutôt bons, les conditions ne sont pas extraordinaires, il fait doux, mais les classiques d’altitude sont formées et rien ne change vraiment depuis un moment. Le lundi est consacré à la journée des fondamentaux dans un site « artificiel » à Villar d’arène. La glace est belle et bien abondante. Je suis en doublette avec Arnaud Guillaume, dont l’expérience en glace est immense. Le mardi nous décidons d’aller tous ensemble dans la vallée du Fournel et de choisir une cascade en fonction des conditions, de nos envies mais aussi du monde présent sur place. A 8h, nous sommes les premiers au parking, il fait -4 degrés. Nous remontons la vallée et les premières cascades ne sont pas forcément engageantes. Arrivés au pied du secteur de “Capitaine courageux”, le secteur à l’air en condition correcte. Nous avons l’info que cette cascade a été gravie les jours précédents. Je propose à mon groupe de se lancer dans cette ligne classique de 4 longueurs, avec une dernière longueur un peu plus raide, coté 4+. Arnaud, lui, de son côté se décale un peu plus loin, dans “Délicados”. Les 3 premières longueurs, faciles (3+) se déroulent tranquillement. C’est moi qui mène la dernière longueur de transition avant le mur final et je fais un relais bien décalé, à droite, afin d’être à l’abri et voir grimper mes stagiaires. Je remarque que la partie droite du mur est un peu décollée. et Je m’approche de la cascade pour voir si l’ensemble est bien collé au rocher. La partie centrale, bien massive et de belle couleur, me rassure. Rien d’autre n’attire notre attention. Antoine se lance dans la longueur et malgré un petit craquement au début, on ne remarque pas de signe d’instabilité. La cascade est bien tracée et le son, au coup des piolets, est agréable. Il fait autour de 0 degré et la glace est bonne, souple et pas cassante. Arrivé près du sommet, Antoine me dit qu’il y a une belle fissure dans la cascade. Je note mais ça ne m’inquiète pas vraiment, on trouve régulièrement ce genre de fissures dans ces cascades qui sont plutôt “posées”. Il arrive au sommet et m’assure. Je grimpe tranquillement et rien de spécial attire mon attention également. Arrivé à la fissure, je constate quand même qu’elle est bien large, autour de 15 cm ! Je lui demande de me bloquer. Je regarde dedans, rien ne coule derrière la glace et la fissure semble être ancienne, en témoigne les bords arrondis. Je prends quand même une photo. La cordée suivante grimpe et on redescend tranquillement à pied par le coté de la cascade comme on l’avait repéré à l’approche. Au gîte nous faisons le débriefing de la journée et préparons la journée du lendemain. Nous hésitons à retourner dans le Fournel où d’autres cascades sont formées et tentantes ou aller découvrir le val d’argentera qui est aussi en bonne condition. Nous partons pour l’Italie. Le soir, de retour chez moi, je contacte un stagiaire qui sera avec moi la semaine prochaine et qui habite dans le coin, pour lui donner les infos pour le stage de la semaine prochaine. A la fin de notre échange, il me dit, que, sur infos des stagiaires de nos groupes, ils sont partis grimper « Capitaine courageux » dans le Fournel et que la dernière longueur a disparu ! J’ai vraiment du mal à le croire et lui demande s’il a une photo. Il me l’envoie instantanément. La dernière longueur a disparu pendant la nuit ou au petit matin. J’appelle directement Arnaud qui hallucine lui aussi. Je passe une mauvaise nuit et je n’arrive pas à trouver le sommeil. Je regarde les archives des bulletins pour voir si la température a évolué entre les 2 jours : l’isotherme est passé de 2800m le mardi à 2100m le mercredi. Néanmoins ce refroidissement n’a pas été vraiment perceptible en versant nord, l’orientation de “Capitaine courageux”. Ce refroidissement n’est pas “marqué” (CF carte GUIDOSS Glace). Le lendemain matin, dans la voiture, je préviens les stagiaires qui sont déjà au courant. Nous finissons le stage correctement, il me semble, en étant bien sur la défensive mais en réalisant quelques belles cascades car les conditions sont correctes, bien que réellement « bizarre » cette année. Je retrouve progressivement un peu le sens de cette activité que j’aime particulièrement. Vendredi, après nos manœuvres, nous faisons avec les 2 groupes un long debriefing pour essayer de comprendre et d’analyser ce qui s’est passé. Je n’arrive toujours pas à avoir une explication de ce phénomène, je crois que j’atteins les limites de ma connaissance et de mon expérience. J’en fait part à mes stagiaires. Arnaud est un peu dans le même état d’esprit que moi. Après avoir demandé à plein de collègues guide actif dans le coin, aucun n’a entendu parler d’un effondrement de “Capitaine courageux” au cours de la saison. A l’instar des changements que nous constatons l’été, j’ai le sentiment que nous entrons, en hiver aussi, dans une phase encore inconnue ...

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